Les arbres dont nous sommes faits
Peu de choses m’inspirent autant que ces ambiances automnales brumeuses, entre silence et mélancolie. Ce matin-là, tôt, je suis partie marcher pour découvrir les environs du village où j’ai récemment élu domicile, dans le Sud du Vercors. Sans forcément de but précis, mais néanmoins le réflex et le trépied dans le sac à dos, je me suis faufilée dans le sous-bois. Tout était engourdi et silencieux, comme pétrifié dans le brouillard matinal. Les toiles d’araignées, dentelles perlées de rosée froide, mouchetaient de blanc les herbes dorées, et les feuilles mortes craquaient en froissements mats sous mes semelles. Tout en marchant, je songeais à ce qui bouscule notre quotidien direct depuis le début de l’année, à cette colère et à cette confusion qui m’agrippent et que je ne sais encore trop comment transmuter. J’ai toujours plutôt été dans le camp des désobéissants et des insurgés, mais aujourd’hui il se trouve que je ne sais plus vraiment où placer mon énergie. Je trébuche soudain sur une racine : un nécessaire rappel à la réalité, à l’ici-et-maintenant. Je lève les yeux. Dans la clairière que je viens de pénétrer se dresse cet arbre solitaire. Il semblait m’attendre, un peu comme ces très vieux amis qui savent qu’un jour ou l’autre vous ne manquerez pas de venir les saluer. C’était un bel instant de connexion, et d’accalmie intérieure, que je vous partage en image dans toute sa simplicité. Comme une lueur émise sur mon chaos intérieur, je me suis souvenu que si l’arbre n’a pas le pouvoir de détourner la lame du bûcheron, il lui reste à placer son énergie dans sa propre croissance, dans la consolidation de ses racines et la création de ses fruits. Qu’au sein de son environnement, il fait partie d’un si complexe enchevêtrement d’interconnexions, que prendre soin de lui-même signifie également prendre soin de ce monde. J’aimerais faire le choix de l’arbre.


Commentaires
Enregistrer un commentaire