Excursion en famille dans les forêts du Vercors pour le brame du cerf. Première tentative de photographie animalière, pas concluante en termes de résultat, mais quelle expérience...!



18h, en éclaireuse avec ma fille, nous nous hâtons de parcourir les deux petits kilomètres de sentier qui nous séparent de la cabane où nous passerons la nuit. L'obscurité enveloppe doucement la forêt. Au loin, les premiers brames rauques déchirent le silence. Le vent, qui voit avant les yeux, porte à mes narines une forte odeur de musc. Je ralentis le pas. Au loin une première silhouette de biche se faufile entre les arbres et traverse le sentier en quelques bonds souples. La chance nous sourit ! Nous poursuivons notre chemin à pas plus mesurés. Soudain, moins d'une trentaine de mètres devant nous, les buissons craquent et s 'ouvrent brusquement. Nous nous immobilisons et une seconde biche gracile s'offre à notre vue puis disparaît à nouveau dans les taillis de l'autre côté du sentier. Un pas lourd retentit presque aussitôt et du même buisson surgit un gigantesque cerf qui la talonnait. Je lui dénombre au moins 12 cors. Nous retenons notre souffle, ma fille se raidit et serre sa petite main dans la mienne, et pour cause la rencontre est impressionnante. En quelques foulées puissantes, le grand mâle coupe le sentier et grimpe dans le talus, avant de marquer brusquement un arrêt quelques mètres en contre-haut pour nous toiser durant de longues secondes. On retient notre souffle. Et le voilà qui reprend sa route.

Nous arrivons à la cabane, un havre dans le noir. Après un pique-nique à la frontale nous nous installons dans les châlits pour une nuit entrecoupée de brames dont certains semblent très proches.




Au petit matin, on s'éveille dans le mugissement du vent et une brume blanche crépitante de pluie. La cabane est cernée d'empreintes d'ongulés et de crottes toutes fraîches. Je m'enroule avec mon appareil photo dans un grand châle noir afin d'être la plus discrète possible, et laissant ma petite famille au chaud près du poêle, je m'enfonce seule dans le sous-bois en suivant assidûment les traces. Des hêtres splendides se tordent dans le brouillard, le sol est tapissé de mousse, de champignons luisants et de feuilles dorées, je me sens comme chez moi dans cet environnement. Au loin les brames rauques retentissent, se font écho, rivalisent d'intensité. Je m'enfonce plus loin dans l'ombre du bois, en direction des bruits, et en m'assurant que le sens du vent ne me fait pas défaut. Soudain des craquements sourds résonnent dans les taillis tout proches, immédiatement suivis d'un brame sourd. Mon cœur s'emballe, je prends un temps pour me raisonner, me rappeler qu'il n'y a pas de danger direct. J'escalade un talus et pénètre à pas mesurés dans une clairière d'herbes jaunes qui ondoient dans le vent. J'ai tout juste le temps d'apercevoir un grand cerf qui s'enfuit à mon arrivée. Il m'a vue bien avant que je ne l'aperçoive. Ce sera inévitablement toujours le cas : il me faut changer de tactique. Je m'accroupis dans un buisson, et reste là interminablement. La pluie goutte sur mon visage, le temps s'égrène mais plus rien ne bouge. J'ai manqué ma chance. Je pousse mon cheminement plus avant, aperçois de nouveau un mâle, plus petit cette fois, couché dans les herbes au loin derrière les arbres. Je dégaine mon appareil mais il est trop loin, trop rapide à s'enfuir, ma mise au point est ratée, on n'aperçoit au final qu'un tout petit bout de tête et de bois un peu flous, à moins que ce ne soit une branche au final?






La lumière s'intensifie, il doit être 9 heures, repérer des animaux va s'annoncer plus compliqué et je prends finalement la décision de rentrer. En chemin, je tombe sur un couple qui à nouveau m'a perçue bien avant que je ne les distingue, et tous deux disparaissent en quelques bonds derrière les arbres. Trop rapides pour mon appareil. Décidément, c'est bel et bien un affût qu'il me faudra à l'avenir. Je ne peux surprendre les bêtes, elles sont maîtresses chez elles et leurs sens sont bien plus développés que les miens. Avant de rentrer, je tombe nez-à-nez avec un renard qui galopait droit dans ma direction. Surpris, il culbute de façon hilarante avant de repartir en sens inverse. Une fois encore, pas le temps de dégainer mon appareil photo. Je me rabats sur les alentours : l'ambiance est tellement prenante!
Un peu plus tard dans la journée, le vent tourne au nord et la pluie s'intensifie. Nous nous rendons plus loin dans la montagne et gagnons des affûts spécialement prévus pour l'observation des cerfs. Il n'y a pas de toit, les enfants ont froid et sont complètement trempés. E. repart rapidement avec eux pour me laisser quelques instants de plus, au cas où la magie opérerait. Tout est silencieux et immobile, le brouillard a tout enveloppé de coton épais. Je croise un sympathique habitué des lieux en tenue militaire avec un téléobjectif plus long que mon avant-bras, nous échangeons quelques mots, il prévoit de rester posté là plusieurs heures avant d'espérer voir quelque chose. Je me promets de revenir seule ou avec E. à une prochaine occasion.



En voiture, un dernier grand cerf traverse calmement la route juste devant nous, comme pour saluer notre départ.

Je sens que la photographie animalière va devenir une nouvelle lubie... :)

Commentaires

  1. Tes mots traduisent bien ton vécu et ton ressenti puisque tu réussis à nous embarquer avec toi dans ta balade sylvestre à la recherche du cerf, tout comme Sylvain Tesson et Vincent Munier qui étaient partis à la recherche de la panthère des neiges au Tibet.

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